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Un logiciel qui autorise des policiers municipaux à signaler en temps réel les rassemblements « suspects » ; des caméras qui permettent la « filature automatisée d’individus dont les mouvements sont constamment enregistrés »… Avec Technopolice (Editions Divergences, 200 pages, 16 euros), Félix Tréguer, chercheur au CNRS et membre du collectif du même nom, offre un panorama exhaustif de cette tendance lourde de nos sociétés contemporaines, dopées par les discours sécuritaires qui empruntent chaque jour davantage la voie d’une technophilie béate.
Cette course à la « gouvernementalité algorithmique » voit les pouvoirs publics donner la main au secteur privé pour promouvoir, dès le rapport Villani de 2018, la logique du « bac à sable réglementaire ». Il s’agit, en d’autres termes, de tester des dispositifs dérogatoires en vertu d’un double principe : contourner la nécessité d’une urgence ponctuelle justifiant la mise en œuvre d’outils plus performants, ne pas entraver le secteur industriel de la surveillance par des « carcans procéduraux ».
Sans surprise, il n’est pas rare que ces tests prétendument temporaires ne soient finalement pérennisés par la loi ou le simple usage, sous le regard impuissant d’organes de contrôle tels que la Commission nationale informatique et libertés, devenue, selon l’auteur, une chambre d’enregistrement et d’accompagnement réglementaire d’un secteur en pleine expansion. Au détriment des libertés publiques, cela va sans dire.
C’est pourquoi, écrit Félix Tréguer, faute de véritables garde-fous, la technopolice s’est muée en un « phénomène anthropologique, presque un fait social total », « portée par des réseaux d’acteurs opérant à des échelles géographiques variées, issus d’une diversité de champs sociaux et qui ne sont pas d’accord sur tout mais dont les efforts conjugués reproduisent quelque chose de cohérent, à savoir l’institution du solutionnisme techno-sécuritaire comme réflexe gouvernemental ».
Le propos, militant, est assumé sinon revendiqué. Il n’enlève rien à la démonstration, implacable et nourrie d’abondantes sources (241 références à des articles, rapports, ouvrages, soit plus d’une par page de texte). Méfiant à l’endroit du « prêt-à-penser militant », l’auteur opère de surcroît de passionnants détours par l’histoire et use avec un talent certain de la technique du reportage.
Son ouvrage, dans le ton comme dans la forme, s’inscrit ainsi dans la meilleure veine du livre d’enquête anglo-saxon : documenté et précis quant à son sujet principal, il ne s’interdit aucune incursion dans les champs disciplinaires de la sociologie, de la philosophie ou de l’expérience personnelle.
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